Dans les Ombres ... (Anglas uniquement)

Anglas était passé en alerte rouge : il avait décuplé la portée de ses organes sensitifs : la vue, l’ouie, la peau aussi. Il aperçut sur une branche deux écureuils au pelage noir, qui le fixaient avec intensité. Jamais des écureuils ne se comportent de cette manière. Il comprit que des sortilèges puissants étaient à l’œuvre et il se dit que ce n’était pas des armes conventionnelles qui allaient pouvoir contrecarrer ce genre d’attaque. Il essaya de fuir vers l’endroit où se tenaient les autres et il s’aperçut avec horreur que ces jambes pesaient des tonnes, il pouvait à peine les mouvoir. Il était condamné à rester là et à attendre la suite. Au point où il en était, il préférait agir. Il était certain que ces deux bestioles étaient des espions. Il leva son arc dans laquelle sa première flèche était encochée, elle partit comme un éclair et frappa l’une des deux bêtes, et avant que l’autre ait pu réagir, il était touché par la deuxième flèche.

Les deux simulacres d'écureuil avaient à peine touché le sol. Les corps s'étaient évaporés dès qu'ils avaient été frappés. Un froid terrible était en train de s'abattre sur ce coin de forêt. Anglas se dit qu'il fallait bouger, ou il allait mourir congelé. Il réussit à arracher ses jambes au sol, l'une après l'autre et se tourna de 180°. Les deux écureils étaient à nouveau en train de l'observer sur une nouvelle branche. Il décida de ne plus gaspiller ses flèches pour des mirages. En pensant aux flèches, il se rappela qu'il avait placé dans son carquois deux "flèches message". Elles étaient un peu spéciales : elles étaient entièrement noires et empennées avec des rémiges d'aigle pour atteindre des cibles beaucoup plus lointaines. leurs tubes noirs portaient des tengwar peints en rouge. Elles étaient toujours destinées à signaler à un groupe ou une personne dont on connaissait la position que l'expéditeur était en danger de mort.
Souvent elle était relayée par une deuxième et une troisième flèches pour d'autres destinataires. Comme l'angle selon lequel elle se plantait indiquait la direction, il suffisait de les laisser en place pour savoir quelle piste suivre.
Il lança la main dans son carquois, et au toucher, repéra l'une de ces deux flèches. Il l'encocha et pointa son arc aussi haut qu'il put en direction de l'endroit d'où il venait, et lâcha la flèche qui fila vers le ciel à une vitesse vertignineuse.
Il était sûr que au moins Legolas comprendrait et ne tarderait pas à venir le dépétrer de cette situation.

La flèche avait suivi la bonne direction, il l’avait tiré de manière à ce qu’elle se fiche dans un arbre sans blesser personne tout en indiquant la direction à suivre. Il espérait que son frère allait venir à son secours laissant les gamins sous la surveillance des autres, et il espérait surtout qu’Idrial avait tenu sa promesse et n’était maintenant plus très éloignée du palais.
A ce moment là, la clairière où il était englué, sous le regard inquisiteur et moqueur des deux rongeurs factices, sembla se rétrécir comme si toute la scène voulait passer par le goulot d’une bouteille, et en même temps la température chuta à la limite du suportable.
Anglas claquait des dents et sa peau tirait sur le bleu. Il vit avec effroi et au ralenti, comme dans un rêve, sortir du sous-bois deux créatures dont l’espèce était indéfinissable. Cela marchait sur deux pattes, comme les Elfes, mais ils devaient mesurer dans les 10 pieds de hauteur, leurs membres postérieurs étaient semblables à ceux d’un cheval, leur corps à celui d’un ours, leurs membres supérieurs étaient terminés par sept doigts équipés de griffes démesurées, et la tête, (Anglas avait déjà vu des créatures issus du cerveau malade du nécromancien mais comme cela, il n’en avait jamais vu) était celle d’un troll, à qui l’on aurait greffé une gueule de loup giganstesque hérissée de longues dents en lames de rasoir plantées sur des gencives sanguinolantes, bavant un liquide gluant vert, et exhalant une haleine putride.
Ce qui devait être les yeux étaient deux fentes qui lançaient des éclairs rouges et de chaque côté de la tête étaient flanquées d' oreilles d’âne.
Les deux créatures rugissaient en avançant vers Anglas qui pour le moment était cloué d’horreur…

Anglas toujours grelottant et terrorisé, regarda avec surprise le vieillard, et quand il s'aperçut que les créatures lui avaient obéi, il l'aurait embrassé s'il avait pu mieux remuer ses jambes. Il dit en claquant des dents :
Suilad noble vieillard. Vvvvous êêtes m..m..magicien n'est-ce pas ? OUiiii j....je suis le llee.. ffffils aîné de Th... Th... Thranduil. Désolé pour ma flèche. A qui ais-je l'honneur de parler ?

Anglas n'avait plus seulement froid, il manquait d'air à présent et, oubliant de trembler, il se mit à bredouiller :
Seigneur Radadagast ! Si je m'attendais à vous voir ! Mon Grand-Père, le roi Oropher, me racontait des contes sur vous, lorsque j'étais un petit enfant et que je me blotissais sur ses genoux pour échapper aux exigences de mon père. Pour lui, vous étiez un grand magicien, ami des bêtes. Vous connaissiez leur langage et vous connaissiez tous les secrets de la forêt. Nul ne savait d'où vous veniez et qui vous avait envoyé dans la forêt Noire car vous n'étiez pas un elfe, vous n'étiez pas un homme et vous n'étiez pas un Dieu. Vous existez donc réellement ? Ce n'est pas possible, la fièvre doit me faire délirer !

Seigneur Radagast, je vous remercie de votre sollicitude dit Anglas après avoir bu quelques gorgées à la gourde que lui avait tendu le viei homme. Il sentait la chaleur le gagner et il parvenait à se mouvoir un peu. Il sautillait un peu à cause des fourmis qui lui picotaient les jambes.
Il accepta avec plaisir le fruit qui lui était offert et en fait, il était euphorique, comme sur un petit nuage, il avait la sensation d’avoir toujours connu Radagast…
Efcuvez mon audafe, mais fela me ferait du bien de me confier à vous dit-il en mordant dans le fruit juteux.
Le vieil homme fit un signe d’aquiescement. Anglas en profita aussitôt :
Mon père, voyez-vous, c’est bien cela mon problème. Il n’a jamais eu le moindre geste de tendresse envers moi, même lorsque ma mère est morte, j’ai bien compris qu’il préfère mon frère Legolas.
Mais mon Grand-Père était toujours là pour moi. Hélas, Dagorlad a été une terrible épreuve, j’ai perdu Oropher, mon père a gagné un royaume et moi j’en suis revenu amer et révolté. Maintenant je n’ai personne : mon père ne s’adresse à moi que pour me tancer et mon frère n’est pas souvent là. Mais c’est mon père, je l’aime quand même.
Et puis il y a mon petit frère, Narelas, qui est tout pour moi même si je fais semblant d’être sévère avec lui et justement, je suis terrifié, car je l’ai laissé en amont, avec d’autres elfes, dont deux blessés et une humaine, et j’ai terriblement peur que des orcs ou d’autres créatures leur soient tombés dessus pendant que j’étais là en train de tenter une diversion. Que me conseillez-vous Radagast, je suis perdu….

Anglas se sentait beaucoup mieux après avoir bu ce délicieux vin de mûre et mangé un morceau.
Le froid l'avait quitté et il avait retrouvé sa mobilité.
La forêt avait repris son aspect normal.
Le vieillard avait beau lui donner des leçons, ça lui était égal, il l'aurait bien embrassé s'il n'avait pas craint de le choquer.
Je regrette vraiment d'avoir agi avec aussi peu de discernement. Seule l'angoisse d'avoir entraîné mon frère dans ce piège m'a fait agir. Au départ, il s'agissait simplement d'une petite balade toute bête, et j'ai pensé que Narelas et son ami y prendraient du plaisir. Si j'avais su le quart de ce qui allait se passer...
Je suis ravi que vous souhaitiez vous joindre à nous. Allons-y donc sans tarder...

Sur ce, Radagast et Anglas prirent le chemin du retour, sous le regard narquois des deux « rongeurs » perchés sur leur branche.
Radagast parvenait à marcher aussi vite qu’Anglas malgré son grand âge apparent. Anglas avait peur qu’il ne trébuche sur sa barbe, mais à tort.
Au bout de quelques minutes, ils atteignirent la clairière où tout le monde était sagement groupé. Narelas lui sauta au coup en lui disant qu’il avait eu très peur. Il ne voulut pas lui dire que lui aussi avait eu très peur.
Radagast se mit aussitôt au travail, en commençant par Earwen qui avait l’air le plus touché.
A sa grande surprise, Anglas vit qu’Idrial n’avait pas tenu son engagement. Elle aurait dû maintenant atteindre le palais et elle était toujours là. Dans un sens, il était heureux à l’idée qu’elle ne se soit pas mise en danger.
Il décida de ne faire aucune allusion à quoi que ce soit, et de ne pas remarquer les mines renfrognées des autres. Il dit simplement Voici Radagast, je pense qu’il n’est pas utile que je vous détaille son C.V., vous le connaissez par cœur, j’espère que vous lui ferez bon accueil et je vous laisse vous présenter….
Là-dessus, une main sur l’épaule de son jeune frère, ils allèrent au chevet de Solosimpë, toujours inconscient le pauvre.